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OUVERTES À

LETTRES

« L’Aigle des mots »

Seconde lettre ouverte à Audrey Azoulay

 

 

 

Madame la Ministre,

 

Nous voudrions attirer votre attention sur quelques carences en syntaxe entachant vos propos au Figaro ; nous souhaiterions vous faire profiter, dans l'élan de notre proverbiale générosité, de notre expertise pour une « consolidation » en conjugaison.

 

Qu’en dites-vous ?

 

« Il est hors de question d’effacer ma féminité », déclarez-vous, surexposée, dans l’interview que vous avez accordée a Madame Figaro du 30 septembre 2016. Chez Hypallage, nous nous proposons, plus modestement, d’effacer vos fautes d’orthographe. Que votre féminité ne s’en offense pas, mais il apparaît attentatoire à l’intégrité de notre belle langue qu’une ministre de la Culture écrive mal.

 

Le typo du Figaro n’y a vu que du feu, ébloui par vos traits d’esprit, certainement. Il n’a pas eu l’œil de « L’Aigle des mots ».

 

Mais afin de saisir dans le détail la finesse de la faute, exposons la pièce à conviction (la vôtre) :

 

« Madame Figaro : Qu’avez-vous appris en grandissant dans une famille de lettrés ?

Audrey Azoulay : Plus que la littérature, c’était l’engagement politique qui était au centre des conversations familiales. Les livres ont joué un rôle capital dans mon enfance. Mes parents sont marocains, je suis née et j’ai grandi en France, et je garde en mémoire l’importance qu’ont eue pour moi l’école et la bibliothèque du quartier Beaugrenelle, à Paris, où nous habitions. »

(Pièce à conviction n° 22438 – 0421 C 83022 – 30/09 – 01/10/2016)

 

Il y a faute d’accord du participe passé… En voici le correctif avec un exemple, ajusté, tiré de la plume de l’Aigle de Meaux :

 

« Je ne suis pas de ceux qui font grand état des connaissances humaines ; mais je confesse néanmoins que je ne peux contempler sans admiration ces merveilleuses découvertes qu’a fait la science pour pénétrer la nature, ni tant de belles inventions que l’art a trouvées pour l’accommoder à notre usage. L’homme a presque changé la face du monde… » ainsi écrivait Bossuet, il y a un peu plus de trois cents ans, avec cette intéressante exception à la règle de l’accord des participes (pas d’accord quand le sujet vient après le participe) » (Julien Green, Journal, 21/07/1969).

 

Comme nous en avions déjà fait la remarque à votre collègue de la rue de Grenelle, il faut en revenir à la formule de Rivarol, et établir en premier le sujet du discours, dans votre cas systématiquement, sans quoi ne sachant pas qui est qui ? ni qui fait quoi ? vous risquez de vous prendre les pieds dans un pli vache du tapis rouge déroulé devant vous… En français un verbe ne s’aveugle pas, sauf à l’interrogative, ne se prive pas de la présence prévenante de son sujet. Un verbe qui ignorerait son sujet n’accorde plus son attention, et perd la nôtre, pauvres lecteurs confus de votre confusion syntaxique.

 

La faute au participe, chez vous très travaillée, et même savamment orchestrée dans une formulation alambiquée, est révélatrice de cette langue tortueuse qui n’ose plus dire avec clarté qui agit d’abord. Si vous parliez avec sincérité, la disposition des mots dans votre phrase serait proportionnée à la règle que l’usage du français exige. Or… vous ne vous exprimez pas en français : et c’est en cette circonstance étonnante de l’exercice de la langue dans le choix du placement des mots dans vos phrases que nous vous démasquons comme étrangère à la culture francophone. Nous ne doutons pas que vous soyez plus à l’aise avec l’anglais…

 

Vous auriez dû écrire :

 

« Mes parents sont marocains, mais je suis née en France, où j’ai grandi. Nous habitions à Paris, et l’école et la bibliothèque du quartier Beaugrenelle ont eu pour moi une importance dont je garde la mémoire. »

 

Ceci vaut pour « consolidation » de votre culture classique…

 

« Butor (sic), pendards ! », criez-vous, honteuse, à notre encontre. Oui, nous avons osé apporter à vos propos cette légère « modification ».

 

Sans estime disproportionnée pour votre fonction ni obséquiosité excessive devant votre personne, nous vous prions, Madame la Ministre, de bien vouloir agréer l’expression de notre admiration sans bornes.

 

L’équipe d’Hypallage Editions.

 

 

© Hypallage Editions – 2016

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