BORRE Grégory

 

Je_

Ne sachant pas réellement qui (ou ce que je suis), je puis vous dire qui je ne suis pas : une grande femme belliqueuse, élancée, brune aux yeux noirs tristes et au visage glabre, trentenaire, célibataire ou divorcée, sans enfant, spéciste méprisant la vie, ainsi que toute forme de risque et les activités physiques, moulin à prières ou à paroles affectionnant les sciences, la religion ou la philosophie (tout ce qui détient la vérité) sans pour autant détester les astrologues ou les cartomanciens, bourgeoise ultralibérale, femme au foyer qui s’enflamme pour les Feux de l’Amour, les romans à l’eau de rose, les films romantiques ou la musique classique…

Pour le reste, je vous laisse imaginer…

 

Écrire_

Les romans noirs ont un fond intéressant, mais, trop souvent, une forme manquant d’ambition (pas ou peu de style) ; je briguais donc accoucher – au principal – d’une œuvre littéraire : accessoirement d’un polar. Et, puisqu’à plonger dans la noirceur, autant faire ce qui n’avait jamais été : m’y épuiser en la sondant le plus profondément possible ; à ce qu’il ne reste plus une once de candeur… de blancheur. Était-ce seulement possible ?

Rapidement, j’eus l’intution qu’il fallait – certes – un style reconnaissable, mais, qu’il devait également être léger pour équilibrer le récit (effacer la lourdeur des ténèbres qu’il dépeignait) ; pour que l’ouvrage ne soit pas inaccessible. Ainsi naquit « … que vinssent les neiges », ce vomissement de mon âme.

Mais, n’est-il plus étrange démarche que de se mettre à nu, à travers la sueur d’une plume et d’exposer aux yeux de tous, le fruit de ses entrailles ? Car, oui, l’acte d’écriture est selon moi, cette régurgitation… d’une macération apte à vous libérer. Or, pour y prendre plaisir, un plaisir en cor plus malsain : il faut y mettre l’écrit et les mains (dans ce vomi comme d’autres le cambouis) et le former à vous en étouffer, et rompre ce filet de salive vous liant toujours. Aussi, je le malaxe à l’achever… jusqu’en faire une œuvre, dont la vanité fait toute la beauté. Et par des chemins de traverses ou de curiosité, je traverse le produit de mes entrailles de bout en bout, pour le magnifier.

J’ai longtemps hésité à soumettre cet ouvrage (le malmenant depuis des lustres entre lumière et ombre, en malmenant l’écriture : la triturant, la déformant), avant de me décider à jeter aux châsses publics voire pudiques, ce bébé et l’eau du turbin : le produit de mon autosatisfaction obsessionnelle.

J’avais ce lien singulier de considérer mon écriture – jusqu’à très récemment – comme une plaie, à briguer m’en défaire, jusqu’à ce jour où mon chemin croisa celui des éditions Hypallage… Nous sommes parvenus à la conclusion, lascive, qu’il fallait faire quelque chose de cet ouvrage, puisqu’il se voulait vivre. À vous, chers lecteurs, de lui conférer désormais une existence… Et de faire la preuve que nous avons eu raison.