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Le Métier d’écrivain

 

 

Pourquoi écrire ?

 

Et bien, pour commencer, par simple hygiène mentale !

 

« Tout le monde devrait écrire pour soi dans la concentration et la solitude : un bon moyen de savoir ce que l’on sait et d’entrevoir ce que l’on ignore sur le mécanisme de son cerveau, sur son pouvoir de captation et d’interprétation des stimuli extérieurs » (Georges Picard, Tout le monde devrait écrire).

 

Écrire comme expérience première des mouvements de la pensée, vous n’y aviez pas songé ? Ce serait le moyen efficace et sûr de structurer son cerveau ; non seulement de le structurer, mais d’être le témoin actif et attentif de cette structuration même ; structuration doublement opératoire, puisqu’elle se nourrit autant de son résultat que de son élaboration. Sans cela, nos pensées, comme signaux, sont fugitives, labiles et à jamais immatérielles, c’est-à-dire perdues dans l’éther de connexions neuronales trop faibles, défectueuses ou, plus radicalement encore, effacées, car non établies. Écrire consisterait en l’espèce à retenir l’attention de notre cerveau.

 

Écrire, donc. Mais quoi ?

 

Par où commencer ? Et comment vaincre l’obstacle de la page blanche ? Quelle entame oser ? Plus troublant encore : que dire ? Autant de questions qui taraudent.

Et quand bien même aucun de ces obstacles ne serait surmonté, ne pourrait-on pas nonobstant écrire d’un rien sur presque rien ?

 

« Faut-il avoir quelque chose à dire pour écrire ? J’ai moi-même inversé le sens de la formule en commençant par noter qu’il faut plutôt écrire pour avoir quelque chose à dire. […] Imagine-t-on un écrivain avouer benoîtement : je n’ai rien à dire ? Eh bien, dis-le ! Pourrait être une suggestion appropriée » (Id.).

 

On l’oublie souvent, l’ennui est un puissant stimulant pour la création. Et c’est peut-être pour cela que nos contemporains le fuient tant ! Ils préfèrent la paresse à l’ennui, la fuite à l’écriture, avec cette hantise de l’effort qu’implique toute lecture, de soi et d’autrui.

 

« J’ai passé une grande partie de mon enfance dans l’enclos des dimanches […]. Le dimanche laisse s’épanouir l’ennui que la fièvre des travaux a chassé du restant de la semaine. Un enfant qui s’ennuie n’est pas très loin du paradis : il est au bord de comprendre qu’aucune activité, même celle, lumineuse, du jeu, ne vaut qu’on y consacre toute son âme. L’ennui flaire un gibier angélique dans le buisson du temps : il y a peut-être autre chose à faire dans cette vie que de s’y éparpiller en actions, s’y pavaner en paroles ou de s’y trémousser en danses. La regarder, simplement. La regarder en face, avec la candeur d’un enfant, le nez contre la vitre du ciel bleu derrière laquelle les anges, sur une échelle de feu, montent et descendent, descendent et montent » (Christian Bobin, Prisonnier au berceau).

 

Observer le vol ascendant et descendant des substances angéliques attachées à l’ordonnance des choses ici-bas dans leur relation avec l’Absolu, c’est s’initier à l’ineffable beauté, à l’inépuisable bonté de la création. Après cela, écrire, c’est tenter un jour de l’exprimer :

 

« J’écris ce livre pour tous ces gens qui ont une vie simple et très belle, mais qui finissent par en douter parce que l’on ne leur propose que du spectaculaire » (Christian Bobin, Ibid.).

 

Vous l’aviez deviné, Christian Bobin est devenu poète. Si vous aimez à vous exprimer ainsi que lui, c’est que vous avez choisi la poésie.

Consultez, pour savoir quel genre littéraire conviendrait le mieux à l’expression de votre désir d’écriture, nos notices sur les différents genres que sont la poésie, le théâtre, la nouvelle et le roman.

Une fois ce choix fait, ou reconnu tel, lancez-vous.

 

Être édité ?

 

Nous lirons avec gourmandise vos ouvrages neufs et inédits, ou, si vous êtes déjà un auteur de longue pratique, nous découvrirons vos œuvres patiemment ciselées et demeurées cachées jusqu’ici…

Nous espérons de tout cœur, enthousiastes, vous annoncer dans la foulée que nous vous éditons. Toutefois, tenez pour certain que seule votre intégrité artistique vous servira loyalement :

 

« Le nouveau ou la nouvelle venu(e) dans le monde des lettres est salué(e) par tous, croule peut-être sous les à-valoir. […] Le ou la voilà fêté(e), applaudi(e), promené(e) illico dans le monde entier. Mais demandez-lui au bout d’un an ce qu’il ou qu’elle en pense. Je l’entends déjà : « C’est la pire chose qui aurait pu m’arriver. » Certains nouveaux auteurs ayant bénéficié d’un grand lancement se sont arrêtés d’écrire ou n’ont pas écrit ce qu’ils voulaient, avaient l’intention d’écrire. Et nous, les seniors, souhaitons murmurer à ces oreilles innocentes : « Avez-vous toujours votre espace ? Le seul lieu qui vous soit personnel et nécessaire, où vos voix intérieures peuvent vous parler et où vous pouvez rêver. Cramponnez-vous-y, et ne le lâchez pas ! » (Doris Lessing, extrait de son Discours de réception du prix Nobel de littérature 2007, traduit par Isabelle D. Philippe).

 

Ne regrettez pas de ne pas avoir été édités… prématurément. Cela aura été une chance… inestimable.

Nous admettons, cependant, qu’il y a aussi un certain danger à ne croiser, connaître ou susciter aucune forme de reconnaissance :

 

« Combien d’écrivains resteraient-ils fidèles à la littérature si elle ne leur rapportait ni argent, ni notoriété ? Combien d’écrivains continueraient-ils à écrire s’ils n’avaient aucune chance d’être publiés ? On peut se poser la question pour soi-même : selon la réponse, on saura à quelle sorte d’écrivain on appartient, écrivain social ou écrivain vital » (Georges Picard, Ibid.).

 

Pour vous éviter un tel cas de conscience cornélien, entre fidélité et dénuement d’une part (congrue) et, de l’autre, gloire éphémère et « dissipation » de l’inspiration, Hypallage Editions s’offre à vous. Car nous portons pour devise et tenons pour combat d’être là pour vous sur les deux fronts à la fois : celui de la diffusion et de la mise en valeur de vos œuvres, et celui du respect de votre univers intérieur et de l’encouragement à la création.

 

« Aujourd’hui, précisément parce que la pression extérieure a atteint un niveau presque insupportable, la sauvegarde personnelle réside dans le repliement créateur, superbement indifférent à l’indifférence générale » (Georges Picard, Ibid.).

 

La maison commune : le livre

 

« Tout cela est fort beau », me direz-vous. Certes, oui. Mais avant de valider un engagement d’écrivain publié, il est encore un prérequis incontournable, celui de la lecture. Non pas, logiquement, celle du comité de lecture d’Hypallage Editions, mais celle, préalable et architectonique, des livres parcourus au cours de votre vie jusqu’à ce jour :

 

 « L’écriture, les écrivains ne sortent pas de maisons vides de livres. Voilà la différence, voilà toute la difficulté. Afin d’écrire, afin de s’engager en littérature, il doit exister une relation intime avec les bibliothèques, les livres, la Tradition » (Doris Lessing, Ibid.).

 

Pour être un auteur supérieurement éveillé et capable, il faut avoir été un avide et fin lecteur !

 

« Sous le joug de l’été, dans une chambre barricadée d’ombre, cernée par des soleils casqués, je lisais. Par la porte entrebâillée des livres, une brise passait, soulevant mon âme et la décollant du monde. Parfois, l’imprévisible beauté d’une phrase, brisant net ma lecture, me faisait regarder par la fenêtre. Je découvrais dans le ciel une lumière dont la splendeur, en m’ignorant, me donnait à voir toute la vie avec ses arrière-mondes » (Christian Bobin, Ibid.).

 

Le lecteur précédera toujours l’auteur. Point de génération spontanée dans ce métier existentiel : tout rebelle qu’il fut, Arthur Rimbaud dévora préalablement le contenu fourni de la bibliothèque privée que son professeur de français avait mis à sa pleine et entière disposition,

Et c’est pourquoi nous vous invitons à LIRE. À lire les auteurs que nous publions, car ce serait un comble que nous ne vous poussions pas au « vice » par là ! Mais aussi à découvrir, comme un avant-goût de ce spicilège inestimable, notre rubrique consacrée à L’art de lire.

 

 © Hypallage Editions – 2014

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